Colors from the East [Free]

SPLASH ! Une immense tâche rouge apparut sur le mur de pierre des majestueuses cuisines de Poudlard qui, étrangement, semblaient bien désertes. SPLASH ! Ce fut au tour d'un pan de mur encore vierge de subir l'horrible affront d'une tâche de peinture verte absolument informe. Perchée sur un escabeau, vêtue d'une simple robe de sorcier aux couleurs de sa maison, Khâlina avait décidé qu'il était grand temps de redécorer les lieux. Preuves de ce soudain goût artistique, les bacs de peinture au sol, soigneusement disposés sur une toile cirée, et les pinceaux avec lesquels, pas vraiment douée pour le dessin, Khâl' barbouillait les murs allègrement. C'était le soir, les Elfes avaient tous quitté leur lieu de travail et personne ne viendrait troubler les élans "artistiques" de la jeune Serpentard. Personne ai-je dit ? Ce n'était pas tout à fait exact... Là, vêtu d'une sorte de bure, un Elfe la regardait faire avec de grands yeux effarés. Son nom ? Pamiec, serviteur de la famille Liimatainen depuis des lustres et récemment admis comme cuisinier à Poudlard. Pourquoi ? Comment ? C'est un secret...

Pamiec - Mademoiselle, vous ne devriez pas ! Si quelqu'un vous voit vous allez être sévèrement punie !
Khâlina - Du calme, Pam' ! J'effacerai tout une fois que j'aurai fini et personne ne le saura.

Le petit Elfe couina en voyant une tâche jaune rejoindre ses deux autre comparses. Une éclaboussure atterrit sur la joue de la jeune fille qui ne prit même pas la peine de l'essuyer, trop concentrée par son tableau grandeur nature. Maintenant qu'elle était entrée en 7ème année, la jeune Polonaise s'était bien calmée. Sa 6ème année avait été un véritable enfer, pour ses professeurs, pour ses amis et pour elle. D'ailleurs les quelques rares amis qu'elle avait un jour eu lui avait tourné le dos durant cette période difficile. Traîner avec une "junkie" ça peut vous foutre en l'air une réputation. Si nombreux étaient ceux qui savaient que Khâl' avait été une adepte des paradis artificiels, rares étaient ceux qui savaient qu'elle n'y touchait plus. Sa responsabilité envers sa jeune sœur lui avait été mise devant les yeux avec violence par son nouveau mentor, un moine bouddhiste du nom de Sorata. Khâl' avait passé deux mois au temple de la Pléiade, situé en plein cœur de l'ancien Londres et bon nombre de choses s'étaient révélées à elle. Un code de l'honneur, des valeurs de respect et de loyauté, autant de principes dont elle n'avait jamais été coutumière.

Khâlina - Que penses-tu des arts occultes, Pam' ? demanda-t-elle en envoyant une tâche orange sur le mur.

A cette époque, la société était comme désinfectée. On n'entendait pas parler de mages maléfiques et les arts dits noirs étaient un sujet classé tabou. Parfois, elle regrettait de ne pas être à Durmstrang où cela lui serait sans doute enseigné. Cette inclination lui venait de son père, un homme si bon, qui avait sombré dans la magie noire en espérant pouvoir ramener sa femme décédée par ces procédés peu conventionnels. Mais la soif de pouvoir l'avait dévorée comme un ouragan emporte les maisons et il n'avait plus jamais été le même. Certes, il avait perdu une grande part de son humanité mais il était à présent un sorcier si puissant. La jeune Polonaise esquissa une moue ennuyée se demandant si tout cela en valait vraiment la peine.

Pamiec - Très mauvaise magie, très mauvaise ! Il ne faut pas s'en approcher Mademoiselle, pas faire comme ces...

Il laissa échapper un hoquet d'horreur en se rendant compte qu'il en avait trop dit. C'était un des nombreux avantages ou inconvénients avec les Elfes, ils parlaient beaucoup trop. D'une voix atone et sans se retourner, Khâl' demanda sans avoir l'air d'être vraiment intéressée par le sujet :

Khâlina - Comme ces quoi ?

Son désintérêt n'était pas joué. Ça ne l'émoustillait vraiment pas plus que ça. Peu nombreuses désormais étaient les choses qui arrachaient une réaction autre que de l'indifférence à la jeune fille. Elle était comme anesthésiée. Peut-être était-ce une période de transition...? L'Elfe remarqua ce ton blasé et, fidèle à sa maîtresse, tenta d'en piquer la curiosité :

Pamiec - Des gens font de la mauvaise magie entre ces murs, les Elfes sentent ces choses-là.
Khâlina - Mais personne ne demandera jamais son avis à un Elfe, n'est-ce pas ?

Pamiec soupira mais ne prit pas la remarque comme une remontrance. Il connaissait trop bien la jeune fille pour savoir qu'elle n'avait pas voulu le blesser.

Pamiec - C'est vrai, Mademoiselle.

Un grincement se fit entendre à l'autre bout de la cuisine et Khâl tendit l'oreille. Quelqu'un approchait... Un pas, puis un autre... La personne devait vraiment avoir une sacrée fringale car elle ne se rendit compte de la présence de Khâlina et de l'Elfe qu'en entendant un SPLASH. L'élève en question venait de mettre son pied dans le pot de peinture bleue. La jeune Polonaise eut une expression de dépit en voyant ses précieux outils ainsi gâchés par une telle maladresse.

Khâlina - Non, pas le bleu ! Comment je vais finir le ciel maintenant ?

Disant cela, elle se retourna vers son oeuvre : un mélange grossier de tâches de couleurs lancées au hasard. S'il devait y avoir un ciel elle était certainement la seule à le voir.

Heinrish - PUTAIN DE MERDE ! QUI EST LE CON QUI A... salut, liimatainen...

Khâl' n'eut même pas besoin de remonter le regard vers le visage de l'intrus pour reconnaître la voix de Heinrish Mustang. Ce ton là était tellement suffisant qu'elle l'aurait reconnu entre mille. Tout ce qu'elle voyait en ce moment, c'était le pied du Serpentard plongé dans son pot de peinture bleue. Elle serra les poings et le fusilla du regard : déjà parce qu'il venait de bousiller une oeuvre d'art en puissance par sa maladresse et deuxièmement parce qu'il l'avait appelé par son nom de famille, la seule chose qu'elle aurait voulu effacer à jamais.

Heinrish - C'est... très beau. je savais pas que c'était un de tes talents...

Elle lâcha un soupir, excédée par cette manie que Heinrish et sa cour pouvaient avoir de faire sans arrêts des sous-entendus sur tout. Toujours sur son escabeau, elle jeta un rapide coup d'oeil à Pamiec qui, dans le dos de Heinrish, mimait une sorte de pendaison. La jeune Serpentard ne comprenait pas vraiment ce qu'il voulait dire mais cela eut au moins le mérite de la faire sourire. Descendant d'une marche de son échelle improvisée, Khâl' lança le pinceau qu'elle tenait à la main dans le pot de peinture verte, le plus proche de Heinrish (hormis le bleu, vu qu'il avait le pied dedans on pouvait difficilement faire plus proche) ce qui, fatalement, ne manqua pas de réduire à néant les vêtements qu'il portait, les maculant de tâches de peinture. Les yeux fixés sur le visage du jeune homme, elle fit mine de n'avoir rien remarqué mais elle espérait sincèrement que ça suffirait à lui ôter du visage ce petit sourire qu'elle exécrait.

Elle sauta les dernières marches et atterrit avec souplesse entre les différents bacs de couleur, manquant de perdre l'équilibre mais se rattrapant de justesse à l'un des barreaux de son escabeau. Elle slaloma entre les pots de peinture et se planta devant Heinrish, un sourire moqueur sur les lèvres.

Khâlina - Un de mes nombreux autres talents, Mustang, c'est de pouvoir te botter les fesses avant que tu aies eu le temps de dire "ouf".

Elle avait suffisamment appuyé sur deux mots pour que le Serpentard comprenne bien que : 1. Elle n'aimait pas ses sous-entendus et 2. Elle n'aimait pas qu'on l'appelle par son nom de famille. Disant cela, elle posa sa main sur le torse du jeune homme et le fit reculer de quelques pas, sans douceur, juste en guise d'avertissement. Ne joue pas avec moi, semblait-elle lui dire. D'un mouvement de baguette rapide, elle ouvrit un des gardes-mangers, laissant entr'apercevoir les montagnes de nourriture qu'il contenait. Tapotant légèrement la joue de Heinrish de ses doigts fins, comme on féliciterait un enfant d'avoir été sage, elle ajouta simplement, sarcastique :

Khâlina - Donc maintenant, sois gentil, prends ce qui te fait plaisir et laisse moi finir.


Pamiec regardait la scène avec une fascination mêlé d'un respect tout nouveau pour le jeune sorcier, le seul qui avait réussi à arracher à sa maîtresse une réaction autre que de la simple indifférence. L'Elfe le regardait avec des yeux ronds, la bouche béate d'admiration, ce qui eut pour effet d'agacer Khâlina encore plus. Quand on a passé deux mois a jeté sur le monde un regard amorphe, les réactions sont forcément plus violentes quand on commence à s'éveiller de sa longue anesthésie.

Khâlina - Qu'est-ce qu'il y a toi ? Ca y est maintenant tu ne veux plus le pendre mais l'épouser c'est ça ?


L'Elfe laissa échapper un hoquet de surprise et, honteux et confus, sortit de la cuisine à toute vitesse, bien conscient d'avoir contrarié la jeune fille. Par la même occasion Heinrish venait de voir ses seules chances de manger un bon petit plat concocté par un Elfe complètement anéanties. Les yeux foncés de Khâlina revinrent à Heinrish et se firent plus pressants, comme si du regard, elle lui ordonnait de partir.

Heinrish - ah oui... et ça fait mal ?
Khâlina - Va savoir. Il parait qu'il y en a même à qui ça plait.

Retour à l'indifférence. Tes jeux ne marchent pas avec moi, Mustang. Garde tes belles paroles et tes propos salaces pour ta horde de groupies. Presque avec regret, elle voit les vêtements de Heinrish redevenir propres. Pour son avis personnel, il était beaucoup plus amusant avec un peu de couleur mais soit. Le départ de Pamiec laisse s'installer un étrange silence que le Serpentard ne tarde pas à briser, mais pas par les mots. Sa main effleure la joue de la jeune fille, lui retirant une trace de peinture jaune pour l'essuyer sur sa robe. Le contact... Une des choses qui met Khâl' complètement mal à l'aise si ce n'est pas elle qui l'a instauré. Son attention reste fixée de longues secondes sur la trace de peinture jaune sur son vêtement. D'abord pour ne pas que Heinrish comprenne cette faiblesse : elle connait ce genre de serpents et sait comment ils fonctionnent. Ensuite, pour ne pas croiser ce semblant de regard charmeur avec lequel, elle en est sûre, il est en train de la regarder

Heinrish - et si c'est toi qui me ferait plaisir... je te laisse toujours finir, où...

Non mais le pauvre type quoi ! Ces phrases clichés, elle ne savait pas trop où il avait bien pu les entendre mais ce n'était vraiment pas le meilleur moyen de faire tomber une fille dans ses filets. Par contre, c'est un excellent moyen pour piquer au vif son ego et lui donner envie de jouer, de répliquer. Ce qui en l'occurrence tombe bien car Khâl' aime le jeu et ça fait longtemps qu'elle n'a pas joué. Son regard remonte vers Heinrish, visiblement intrigué par le jeune homme, mais désireux aussi de lui donner une bonne leçon. Elle répond à son sourire, comme une promesse. Doucement, elle se rapproche de lui, avec cette grâce de mouvements qui n'appartient qu'à elle et, posant l'une de ses mains sur le torse de Heinrish, faisant glisser l'autre de son épaule jusqu'à sa paume pour entremêler ses doigts à ceux du jeune homme, elle lui souffle à l'oreille, dans un murmure presque inaudible.

Khâlina - Il faut que je te dise un truc, Heinrish...

La main de la jeune fille remonte du torse jusqu'à la nuque de celui-ci et se perd dans ses cheveux. D'abord avec douceur puis, plus sauvagement, les empoignant avec force, tandis que son autre main quitte celle de Heinrish pour lui agripper fermement le bras en susurrant de nouveau au jeune homme :

Khâlina - ...tu n'es pas assez de talent pour jouer avec moi...

Reprise volontaire du mot qu'il avait employé. Avec Khâl' tout est une question de subtilité. Elle s'éloigne plus rapidement de lui et exerce une légère poussée qui le fait reculer de quelques pas. Elle plante ses iris terre de sienne dans ceux couleur ciel du Serpentard et lui adresse un sourire moqueur avant de faire disparaitre d'un tour de baguette l'escabeau, les pots de peinture et les tâches sur le mur ainsi que celle sur sa robe. Son indifférence la reprend, comme si elle ne parvenait à en échapper que de rares instants :

Khâlina - Tu devrais aller jouer dans la Salle Commune. Il me semble qu'il y a un tas de souris qui ne demandent qu'à être croquées par le chat.

Elle s'appuie nonchalamment contre le mur, croisant les bras et le fixant de ses grands yeux. Pourquoi ne quitte-t-elle pas les cuisines ? Parce qu'on ne tourne jamais le dos à quelqu'un que l'on vient de défier.

- ... tu n'es pas assez de talent pour jouer avec moi...
- ... mais qui es tu, réellement, pour savoir qui a du talent, et qui n'en a pas...

Elle arqua un sourcil interrogateur : c'est lui qui avait commencé avec ça ! Se croyait-il donc meilleur qu'elle pour juger les autres ? Il n'était pas très difficile de condamner avant de faire un procès. Quel prétentieux ! C'était bien une des choses qu'elle détestait chez les Serpentards, cette impossibilité presque maladive de reconnaître quelqu'un comme leur étant égal ou supérieur. Etait-ce vraiment si dur de dire "tu as gagné" ? Elle le fusille du regard. Dieu, elle donnerait n'importe quoi pour lui ôter cette saleté de petit sourire du visage.

- mais qui a dit que je voulais jouer avec des souris...

Qu'il joue avec qui il veut, elle s'en moque. Mais le voilà qui s'approche rapidement, posant sa main sur le mur au niveau du visage de la jeune fille et approchant un peu trop près au goût de la Polonaise son visage du sien. Un tressaillement presque imperceptible la parcourt tandis que ses yeux cherchent un point de fuite au plafond, surtout par volonté de ne pas croiser son regard si près du sien. Si elle avait pu ne faire qu'un avec le mur, sûr qu'elle l'aurait fait. Il lui murmure d'une voix troublante, quoiqu'elle en dise.

- le chat veut jouer avec un de ses congénères, cette fois... es tu... féline ?

Ooh. Il l'a classée dans la catégorie "chat" ? Ça y est c'est sûr demain il pleut des bombabouses pour saluer un tel miracle. Il n'empêche que ce jeu ne l'amuse que moyennement, comme souvent lorsqu'elle n'en a pas le contrôle. Tandis qu'il se recule, lui permettant de réfléchir un peu plus clairement car, acculée de cette façon elle a du mal à avoir les idées nettes, elle passe une main nerveuse dans ses longs cheveux noirs.

- avoues qu'en renvoyant cette elfe de maison, tu ne voulais, en faites, que te retrouver seule en ma présence... hein ?

Elle retient un éclat de rire. Non, mais sérieusement ! Tes bobards tu y crois ? Son regard sombre s'attarde un peu trop longtemps sur les lèvres de Heinrish qui forme un délicieux sourire. Un mélange harmonieux de prétention et de séduction. Le souci avec Khâlina c'est que la petite voix que nous avons dans la tête et qui parfois nous crie "danger", ben elle, elle ne l'a pas. Envoûtée par cette façon amusante qu'il a de se rendre détestable, elle décide d'entrer dans son jeu. Pas pour s'amuser, non, juste pour lui donner une bonne leçon. Enfin c'est ce qu'elle se dit.

- Tu es plus malin que tu n'en as l'air. Je suis déçue que tu m'aies percée aussi facilement à jour.

Le ton est sarcastique et moqueur au possible, mais il y a aussi dans sa voix cette pointe d'amusement rassurante. De sa démarche ondoyante, elle s'approche de lui, un sourire vissé sur les lèvres et une lueur malicieuse dans le regard qui n'augure rien de bon. Elle pose ses deux mains sur les épaules de Heinrish, le faisant reculer doucement jusqu'à une table toute proche. Lorsque le bas du dos entre en contact avec le bois du plan de travail, elle le fait basculer sans la moindre douceur, faisant s'élargir un peu plus son sourire. Avec agilité, elle monte à son tour sur la table, à quatre pattes au dessus de lui, évitant soigneusement le contact afin qu'il n'ait pas d'opportunité de retourner la situation à son avantage. Les seules parties de leurs corps qui se touchent sont les doigts de la main gauche de la jeune fille, appuyée de tout son poids sur l'épaule de Heinrish pour le maintenir dans cette position.

Un couteau sorti d'on ne sait où vint clouer la manche de la robe de sorcier du jeune homme au bois de la table, écorchant peut-être un bout de peau au passage. Elle n'a jamais prétendu savoir viser après tout mais de cette façon la marche de manoeuvre du jeune homme s'en trouve considérablement réduite. De sa main libre, elle attrape du bout des doigts le menton du jeune homme pour qu'il la regarde dans les yeux. Elle le dévisage en silence de longues secondes, laissant courir son regard sur ses traits harmonieux et profitant le plus possible de cette situation qu'elle trouve plaisante à souhait.

- Ben alors, chaton, t'as avalé ta langue ?

- ben alors, chaton, t'as avalé ta langue ?
- tu crois berner qui ? tu es faible, khâlina. tu le sais, ça...

Elle tressaille et pas de façon imperceptible cette fois. Ce retournement de situation l'a surprise et plus encore le mot "faible" la frappa comme une gifle. La faiblesse... Tout ce qu'elle détestait, chez elle et chez les autres... Son regard aguicheur se transforme en un regard interrogateur. Il ôte la main qu'elle avait posé sur son menton et se libère de l'emprise du couteau, déchirant ainsi sa robe. Elle entrouvrit les lèvres pour dire quelque chose mais il continua sur sa lancée, ce sourire exécrable sur les lèvres.

- et, tu sais, comment je le sais... ?

Il saisit son visage au niveau des joues, exerçant une pression pas suffisamment forte pour qu'elle en soit douloureuse mais suffisamment pour qu'elle le fusille du regard. Cette situation ne lui plait plus. Il décèle en elle des choses qu'elle cache et elle se sent... faible. Du regard, elle l'assassine un millier de fois au moins.

- ton regard... avoues que tu veux te donner un genre...

Il la repousse et elle recule, détournant le regard comme un enfant pris en faute. Ses yeux n'ont jamais su mentir et elle l'a toujours su. Elle ne se donne pas un genre et ça, elle le sait. Elle aime jouer, c'est tout. Après, il est certain qu'elle n'est pas comme la plupart des Serpentards... Ses poings se serrent. C'est sa colère qui monte en elle, lente, muette et douloureuse.

- dis... ? tu n'as pas perdu ta langue, mon minet... sinon, ça va pas être très rose, entre nous...

Elle redresse la tête et croise juste à ce moment le clin d'oeil et le sourire qu'il lui fait. Si elle s'écoutait, elle l'aurait tué, là, maintenant. Mais la colère est mauvaise conseillère et elle n'était pas un assassin. Elle semble réfléchir quelques secondes et regarde Heinrish, ses yeux de glace et son sourire qu'elle déteste.

- Si ceux qui n'agissent pas comme toi sont faibles alors, oui.

Elle revient vers lui, son visage n'affichant cette fois aucun sourire. Elle s'arrête à quelques pas de lui, à portée de main. Ses yeux le regardent comme si elle ne l'avait jamais vu avant. Ce n'est qu'en retombant sur ses lèvres qu'elle consentit à sourire elle aussi. Un sourire amusé.

- Je suis impressionnée. Mais nous jouons tous un rôle Heinrish... J'imagine que jouer les caïds à Poudlard t'aide à compenser l'existence médiocre que tu vis chez toi ?

Pas une once de sarcasme ou de moquerie. Une simple constatation. Et elle le savait parce qu'elle était pareille. Ce besoin de dominer, elle le puisait dans la médiocrité de son existence. Orpheline de mère, rejetée par son père, elle était devenue une mère pour sa petite soeur et elle n'avait plus un sou en poche. On lui avait volé sa vie tout comme elle aurait voulu voler celles de tous ceux qu'elle estimait avoir trop de chance. Elle attrape son bras et le serre doucement.

- Ne me fais pas la leçon, tu ne vaux pas mieux que moi...

Elle se penche à son oreille et murmure d'une voix pleine de tendresse qui dément tout à fait ses propos :

- Tu sais, Heinrish, je crois que je te déteste...

Elle se retire, mais son regard, lui, semble indécis. Elle ne sait que penser de lui, trop partagée entre ces sentiments contraires qui s'entredéchirent. Affection, haine...Quand on parle de lui tout ça se ressemble étrangement.

- Tu sais, Heinrish, je crois que je te déteste...

Il eut un gloussement qui, contrairement à ce qui aurait du se passer naturellement, amusa Khâlina plus qu'il ne l'agaça. Mais en elle-même, même si elle ne comprenait pas vraiment comment, elle sentait qu'elle avait égratigné le masque du Serpentard. Avait-elle coulé son navire en quelques coups seulement ? Elle osait croire que non. Mais Heinrish ne semblait plus vouloir jouer et elle en eut la confirmation lorsqu'il murmura à son tour :

- j'en ai rien à foutre... personne ne peut me détester plus que je ne me déteste...
- Mmh.

C'est tout ce qu'elle trouva à répondre en le voyant s'éloigner. Une ombre de compassion naquit sur le visage de la jeune fille, ombre qu'elle effaça bien vite, avant qu'il ne se retourne. Offrir de la pitié aux gens n'était pas leur rendre service et de plus, sa pitié à elle n'avait aucune valeur. C'était pour elle un concept vide car le sentiment de pitié lui était assez étranger. Cependant, elle avait du mal à croire ce qu'il venait de lui dire. Elle ne pensait pas avoir visé aussi juste en lui balançant ses railleries. Il se retourna avec un sourire et se dirigea vers la sortie, la laissant là, interdite et désabusée. Sans vraiment réfléchir, elle se dirigea vers le buffet, attrapa un paquet de chocogrenouilles.

- Eh, Heinrish ?

Tandis qu'il se retournait, se demandant sans doute ce qu'elle pouvait bien encore lui vouloir, elle lui lança la nourriture d'un geste adroit.

- T'as oublié ça... murmura-t-elle simplement.

Après tout, n'était-ce pas pour cela qu'il était venu ? Etrange cette façon qu'elle avait eu de penser qu'il allait repartir sans la nourriture qu'il était venu chercher. Cette préoccupation d'autrui ne lui ressemblait guère. Elle n'attendit pas de voir sa réaction et tourna le dos pour refermer le buffet. Elle resta de longues secondes à regarder le bois du meuble, repensant à ce qu'il venait de se passer. Quand elle émergea de ses pensées, se décidant enfin à retourner dans la salle commune, Heinrish avait disparu depuis longtemps.